Quelles réparations / indemnisations lorsque deux navires se heurtent ?
Abordage en mer - rupture d’amarres au mouillage
La responsabilité du fait des choses, définie par l’article 1242 du code civil, repose sur une responsabilité sans faute. Dès lors, si vous êtes victime d’un dommage causé par un navire (une chose au sens juridique du terme) il vous suffit simplement de démontrer que cette chose est intervenue dans la cause du dommage, peu importe que le gardien de cette chose (le plus souvent le propriétaire ou le capitaine du navire) ait commis une faute.
Simple, non ?
Toutefois, en matière d’abordage, le Code des transports vient semer la zizanie.
Et pour cause, le titre III du Livre I du Code des transports traite de la réparation des accidents de navigation. Et, le chapitre premier concerne la question des abordages.
L’article L. 5131-3 précise alors :
Si l’abordage est causé par la faute de l’un des navires, la réparation des dommages incombe à celui qui l’a commise.
Les yeux les plus avisés auront compris dès la lecture de cet article que nous basculons sur un régime de "faute" contrairement au principe de la responsabilité du fait des choses évoqué ci-avant.
Ainsi, il appartient à la victime d’un abordage qui entend obtenir réparation (sous forme de dommages-intérêts) de démontrer la faute du navire à l’origine du trouble.
C’est évidemment un régime moins protecteur que le régime de responsabilité sans faute du fait des choses, pour lequel les juridictions ne sont d’ailleurs pas toujours informées.
Et, l’article L. 5131-3 poursuit :
Si l’abordage est fortuit, s’il est dû à un cas de force majeure ou s’il y a doute sur les causes de l’accident, les dommages sont supportés par ceux qui les ont éprouvés, sans distinguer le cas où soit les navires, soit l’un d’eux, étaient au mouillage au moment de l’abordage.
En d’autres termes, dans de telles circonstances, la victime de l’abordage ne sera pas indemnisée. On parle ici de cas d’exonérations.
Afin d’illustrer le principe de l’abordage, la Cour de cassation [1] a été récemment amenée à se pencher sur un abordage entre deux navires amarrés au port.
En l’espèce, à la suite d’importantes rafales de vent, un bateau a été endommagé par les mouvements de gîte du voilier voisin dont une amarre s’était rompue. Le propriétaire du bateau endommagé a naturellement engagé une action en réparation de son préjudice à l’encontre du propriétaire du voilier.
La Cour d’appel va appliquer, à tort, le régime de responsabilité du fait des choses alors qu’il s’agissait en l’espèce d’un abordage entrant dans les dispositions des articles L. 5131-1 et suivants du Code des transports.
Sans surprise, la Cour de cassation a annulé la décision de la Cour d’appel estimant que le régime de responsabilité applicable était celui des abordages, et qu’il appartenait à la victime de l’abordage de démontrer une faute du bateau voisin, qui pourra toujours s’exonérer de sa responsabilité en démontrant que la rupture d’amarre à l’origine de l’abordage est un cas fortuit... un coup de vent notamment !
Votre bateau a été victime d’un abordage ou votre responsabilité a été engagée, Maître Jean-Bernard BOUCHARD, avocat en droit maritime, fluvial et de la plaisance au Barreau de Paris vous accompagne tant en conseil qu’en contentieux sur l’ensemble du territoire.
[1] Cass. com. 14 décembre 2022 n°21-16.785