Infraction commise "à l’étranger" sur un bateau battant pavillon français
Arboré à la poupe du navire, le pavillon hissé ne saurait se contenter d’une simple qualification "d’ornement".
Et pour cause, il annonce avant tout la "nationalité" du navire... et donc la loi qui lui est applicable.
Dès lors, le juge français est-il compétent lorsqu’un délit ou un crime est commis à l’étranger, à bord d’un navire battant pavillon tricolore ?
Maître Jean-Bernard BOUCHARD, avocat en droit maritime et de la plaisance au Barreau de Paris, vous répond.
Rappelons un principe, celui de la compétence territoriale de la loi pénale française dès lors que l’infraction est commise sur le territoire de la République [1].
Quelle est donc l’incidence du pavillon français sur un navire ?
Comme pour les aéronefs [2], le Code pénal prévoit expressément en son article 113-3 que :
La loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français, ou à l’encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu’ils se trouvent. Elle est seule applicable aux infractions commises à bord des navires de la marine nationale, ou à l’encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu’ils se trouvent.
Ainsi, c’est un petit bout de "territoire de la République" qui se déplace au gré des navigations des bateaux battant pavillon français, et la loi pénale française y est applicable y compris à l’autre bout du monde sur les eaux internationales mais également territoriales étrangères. Attention toutefois, cela ne veut pas dire que dans les eaux territoriales étrangères vous ne seriez pas soumis à la législation pénale de ce pays également...
Mais le droit ne serait pas le droit sans ses petites subtilités, car il convient de distinguer deux situations.
Pour illustrer cette distinction, rien de mieux qu’une situation concrète jugée par la Cour de cassation.
En l’espèce, un vol est commis en Allemagne sur un bateau de croisière fluviale battant pavillon français. La victime dépose plainte avec constitution de partie civile auprès du juge d’instruction français, en application de l’article 113-3 du Code pénal.
Pour les Hauts magistrats de la Cour de cassation, la loi pénale française n’est pas applicable en l’espèce. La Cour précise que les dispositions de l’article 113-3 du Code pénal "ne sauraient être étendues aux bateaux de navigation fluviale" [3].
Vous l’aurez compris, en application des dispositions de l’article 113-3 du Code pénal, la loi pénale française est applicable qu’importe la localisation du navire battant pavillon français si, et seulement si, il ne s’agit pas d’un bateau de navigation fluviale mais maritime.
Alors, si le vapeur S.S. Karnak battait pavillon français, la loi pénale française serait applicable ?
Vous êtes plaisancier et rencontrez une problématique juridique ? Faites appel au cabinet BOUCHARD-LEBLANC. Notre cabinet situé à Paris, nous intervenons sur l’ensemble de la France.
[1] Article 113-2 du Code pénal
[2] Article 113-4 du Code pénal
[3] Cass. crim. 18 septembre 2007 n°07-82.504