Tenue vestimentaire au travail : l’employeur peut-il imposer une tenue ?

Les salarié·e·s peuvent-ils librement choisir leur tenue ? L’employeur peut-il imposer/limiter certaines tenues ?

Le choix de la tenue vestimentaire est avant tout une question de liberté individuelle. Ainsi, en principe, les salarié·e·s ne peuvent pas se voir imposer une tenue vestimentaire particulière.

Ce principe reste néanmoins à tempérer.

Maître Jean-Bernard BOUCHARD, avocat au barreau de Paris en Droit du travail, vous éclaire sur la règlementation en matière de "dress code" au travail.

Rappelons d’abord que nul ne saurait apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché [1].

En d’autres termes, pour que l’employeur puisse interdire (ou imposer) une tenue particulière aux salarié·e·s, il doit le justifier.

Cette justification sera librement appréciée in fine par les juges prud’homaux au regard de ces deux critères cumulatifs :

  • Est-ce que la décision de l’employeur est justifiée par la nature de la tâche à accomplir ;
  • Est-ce que la décision de l’employeur est proportionnée au but recherché.

Comme des exemples valent mieux qu’un long discours, étudions plusieurs cas de figure.

Justification tirée du contact avec la clientèle :

La restriction des tenues vestimentaires peut notamment se justifier lorsque le salarié est en contact avec la clientèle. L’image de l’entreprise justifie ces règles.

Les entreprises peuvent aller jusqu’à imposer un uniforme - ou un insigne de fonction part exemple - lorsque les salarié·e·s se retrouvent en contact avec la clientèle. L’employeur doit cependant pouvoir justifier que cette exigence est liée, dans l’intérêt de la clientèle, à l’exercice de certaines fonctions.

Notons par ailleurs, que l’employeur peut tout de même exiger une tenue décente aux salarié·e·s, même lorsqu’ils ne sont pas en contact avec la clientèle.

L’appréciation du caractère décent ou non d’une tenue se fera au cas par cas.

Exemple : la Cour de cassation a confirmé le licenciement d’une salariée qui persistait à travailler vêtue d’un chemisier transparent sans soutien-gorge, car sa tenue suggestive pouvait susciter un trouble dans l’entreprise [2].

Justification tirée de la sécurité :

Dans certains cas, l’obligation de sécurité de résultat qui incombe à chaque employeur, doit le conduire à imposer le port de vêtements et/ou d’équipements particuliers.

Si l’employeur n’y procédait pas, sa responsabilité pourrait être engagée.

Inversement, si le salarié refuse de porter une tenue ou des équipements spécifiques imposés par l’employeur pour des raisons de sécurité, il s’expose à une sanction disciplinaire.

Justification tirée du règlement intérieur :

L’employeur peut inscrire dans le règlement intérieur de l’entreprise des règles relatives à la tenue vestimentaire.

Cependant, ces règles devront respecter les principes évoqués ci-avant, à savoir une justification compte-tenu de la nature des tâches à accomplir et proportionnées au but recherché.

Ainsi, une clause du règlement intérieur qui imposerait sans motif particulier le port d’une tenue particulière, d’une coiffure ou de maquillage pour des seules raisons esthétiques serait jugée illicite et les sanctions qui en découleraient seraient alors annulées.

Et le fait religieux ?

Il convient de rappeler un principe essentiel, qui repose sur l’interdiction des discriminations, qu’importe la forme de celles-ci prennent.

Toutefois, des exigences d’hygiène ou de sécurité au travail peuvent conduire le dirigeant à interdire le port de certaines tenues. Là encore, cette appréciation doit être faite au cas par cas.

En tout état de cause, l’employeur dans la formulation de cette interdiction, ne doit pas viser le caractère religieux de tel ou tel vêtement, mais ses conséquences en matière d’hygiène et de sécurité au travail.

Notons, que l’employeur peut inscrire une clause de neutralité (religieuse et politique) dans le règlement intérieur, à destination des salariés en contact avec la clientèle.

[1Article L.1121-1 du Code du travail

[2Cass. soc. 22 juillet 1986, n°82-43.824